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Analepse, le blog littéraire de Laurent Gardeux

Je marchais, et puis

2 Octobre 2024 , Rédigé par Analepse

 

     Je marchais. Je marchais tranquillement. Je sortais de la réunion, rien de spécial, tout s’était très bien passé, les trucs habituels, rien d’extraordinaire, j’ai regardé Philip faire son show, et comme d’habitude les autres ont rigolé aux bons endroits, ont réagi, fait les quelques remarques qu’il était évident qu’ils feraient, la secrétaire est entrée deux fois remplir nos tasses de café, à un moment certains se sont laissés aller sur le dossier de la chaise, et c’est quelque chose qui ne trompe pas, cela, comme une coda dans un morceau de musique : on sait qu’on va vers la fin du morceau, qu’on y est presque. J’ai commencé à ranger mon ordinateur et mes notes. Philip était content de lui, la sensation d’avoir bien travaillé, une fois de plus. Puis chacun est sorti de la salle de réunion en disant à demain, oui, ok à demain Philip, c’est à quelle heure déjà, oui, oui, à demain, salut Georges, salut Omar. J’ai salué la secrétaire en lui rapportant ma tasse vide, je lui ramène toujours ma tasse vide, c’est une question de respect élémentaire, déjà qu’elle nous sert le café, elle n’est pas obligée. Elle m’a remercié et elle m’a dit bonsoir Monsieur Mitch. Dans l’ascenseur encore, tout était normal, la sensation de chatouillement dans l’estomac quand l’ascenseur prend de la vitesse, de tassement quand il freine avant d’arriver au rez-de-chaussée, le petit chuintement, que j’adore, des portes qui glissent pour s’ouvrir sur le hall. J’ai aussi salué Dean le gardien, avec son air éternellement taciturne, je donnerais cher pour savoir ce qu’a été sa vie, à Dean, ce qui l’a amené dans ce hall dont il semble faire partie de toute éternité, au point que je suis l’un des seuls à encore le saluer en partant, au revoir Dean, au revoir Monsieur Mitch. Mes pas ont résonné sur le marbre du hall. J’ai poussé les portes rotatives de l’immeuble, j’ai tout de suite été happé par la moiteur de l’air, par le bruit des klaxons, le vacarme insensé de la circulation. J’ai fait quelques pas dans l’air épais, le long des vitres du rez-de-chaussée, et puis sans raison je me suis arrêté à l’angle de l’immeuble, et c’était comme si des extra-terrestres m’avaient paralysé avec un rayon, je ne parvenais plus à bouger d’un pas. Comme si le pas suivant m’engageait de manière irrémédiable. M’engageait à quoi au juste ? C’est bien ce que je me demandais, debout à l’angle de l’immeuble, le regard fixé sur les dessins des plaques de pavement. Je me suis dit qu’il fallait que je me remette en marche, Marjorie allait s’inquiéter si elle me voyait rentrer plus tard que d’habitude, mais je ne parvenais pas à bouger d’un centimètre. Et petit à petit une espèce de panique est montée. Je ne parvenais plus à me souvenir d’un mot de ce qu’avait dit Philip tout à l’heure, ni de la blague qui avait fait rire les autres, et puis les autres ont disparu de ma mémoire, et puis Philip a disparu de ma mémoire et je suis resté là, immobile, à l’angle de l’immeuble, à repérer les motifs dans le pavement, les motifs dans les plaques de pavement.

D'après une photo de Richard Bram. Red Cube, Broadway & Liberty Street, New York 2009

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L
Bonjour ! je viens de lire ce texte et aussi "Il faudra", j'aime beaucoup le style de votre écriture, je vais suivre votre blog. Voici mon blog https://sylvierose.over-blog.com j'écris des nouvelles, de rares poèmes et des textes courts de 100 mots (Drabble), j'adore inventer des histoires tout droit sorties de mon imagination. Bonne journée !
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A
Merci pour votre commentaire ! Je vais publier assez régulièrement je pense (fréquence hebdomadaire). je vois vous suivre également. Bien à vous !