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Analepse, le blog littéraire de Laurent Gardeux

Plus comme avant

4 Novembre 2024 , Rédigé par Analepse

 

    Owen n’en était plus à regarder le ciel pendant des heures. Il avait longtemps pratiqué cela, du temps de Mélanie. Regarder la barre de nuages évoluer, les mouettes qui venaient tracer leurs trajectoires dans le ciel, ponctuant les lignes de leurs cris, reprenant le pouvoir sur les traînées des avions, désormais invisibles derrière le front gris qui donnait l’illusion de ne plus évoluer. Owen s’était assis sur le banc, éprouvant pour la première fois, se disait-il (en se trompant sur ce point ; ce n’était pas la première fois. Bref.), cette impression de pouvoir rester sans rien faire, sans rien faire absolument, sans lire, sans consulter son téléphone, sans engranger le paysage, livré, entièrement, à la vacuité de la mer face à lui, personne d'autre n’était venu s’asseoir sur le banc face à la mer. Il se rendit compte qu’il venait de passer plusieurs minutes sans penser à Mélanie. Cela fait plusieurs minutes que je n’ai pas pensé à Mélanie, se formula-t-il, levant les yeux une seconde à peine, pour constater que rien n’avait changé depuis qu’il était arrivé. Quelque part, à des milliers de kilomètres de lui, Mélanie menait sa nouvelle vie, Owen préférait ne pas y penser, et peut-être finalement était-ce une bonne idée de regarder le paysage. Sans même y penser, Owen leva les yeux, prenant prétexte du vol d’une mouette pour s’attarder sur le ciel lourd, enregistrant sans y penser les nuances de gris des masses nuageuses, leur évolution infiniment lente. Il fut tenté de se lever, pour se convaincre qu’il était encore en mouvement, que l’absence de Mélanie ne voulait pas dire que sa vie s'était ralentie, figée, mais pour finir il resta sur son banc, se connectant aux éléments. Il frissonna, Mélanie occupait maintenant la totalité de sa pensée, son image se projetant sur les nuages, sur l’horizon marin, partout. Un chien passa devant lui, Owen lui fut reconnaissant de ne pas être Mélanie, de ne rien incarner d’elle, de lui fournir au contraire une honorable distraction, de le replacer sur quelque chose qui ressemblait à sa propre trajectoire. Salut le chien, salut la mouette. Salut le nuage, salut les vagues de la mer. Salut les invisibles vers de terre dans le sol, salut.

 

D'après une photographie de Ryan Hardman : Straight Outta Plymouth

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L
Bonsoir ! Ton texte et l'image sont en parfaite harmonie, les émotions que l'on peut ressentir en regardant cette homme sur son banc se retrouvent très bien exprimées dans ton récit qui les confirme au mieux. Belle soirée !
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