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Analepse, le blog littéraire de Laurent Gardeux

Valentina

13 Octobre 2024 , Rédigé par Analepse

 

Valentina décide de s’arrêter un moment. La matinée a été éreintante. Le deuil, les émotions ont dû se faire une place au milieu des travaux quotidiens, au milieu de tout ce qu’il y a à faire dans la maison. Tout ce que j’ai à faire encore à la maison, pense Valentina. Mon Georges est mort ce matin, mais il a fallu tout de même m’occuper des petits enfants, les enfants que Marika a laissés à la charge de Valentina et Georges pour aller travailler à la ville.

Il a fallu dire à Marika que son père était mort. Ce qui sortait d’elle au téléphone était à peine un souffle et je reprends mon souffle dans l’escalier, je fais une pause, et Marika est restée silencieuse pendant plusieurs secondes, quinze au moins, peut-être trente, je ne sais plus. Valentina pose son avant-bras sur la tête de poteau de l’escalier, et elle est surprise elle-même par le long soupir qui sort d’elle et qui ne semble pas lui appartenir, un soupir interminable, et l’air qui sort de ses poumons semble provenir de générations très anciennes, tous ces ancêtres qui sortent par ma poitrine, c’est peut-être leur manière de faire le deuil avec moi, ce soupir inconnu sort de moi au nom de tous ceux qui nous ont précédés, Georges et moi, et de ceux qui nous suivent, Marika, les enfants.

Valentina s’attarde dans l’escalier plus que de raison, mais au fond c’est le seul endroit où l’on me laisse en paix, à la maison les enfants me sollicitent sans cesse, et d’ici que les premiers amis arrivent pour s’incliner sur le lit de Georges, le regardent une dernière fois avant la mise en bière, d’ici la veillée Valentina sait qu’elle n’aura plus une seconde à elle, et elle a besoin de ce temps pour elle, après ce sera une longue apnée, une infinie suspension dans la douleur des autres, dans le chagrin des autres. Et elle remercie au fond d’elle le soupir et les ancêtres, l’escalier et le soleil de cette belle journée d’été, cette belle journée d’été où Georges a cessé de vivre, et je suis restée longtemps à son chevet sans pouvoir bouger, sans pouvoir me détacher de toi, mon aimé, et dans l’escalier, appuyée sur le poteau, Valentina laisse le temps s’étirer, dans une autre dimension du souffle, il y a encore place pour de la quiétude dans toute cette douleur, et elle sait alors qu’elle va pouvoir inspirer de nouveau, remonter vers les enfants, vers Georges étendu sur son lit, je reste encore un peu appuyée ici, car j’aurai besoin du souvenir de ce moment, du souvenir de ce souffle, du souvenir des ancêtres, pour revenir dans le monde des vivants. Avant que les autres arrivent, tous les autres, il y a encore beaucoup à faire dans la maison.

D'après une photographie de Georges Georgiou, Série In The Shadow Of The Bear

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C
Laurent, nous nous connaissons mais j’ignorais que tu écrivais si bien. J’adore tous tes textes et j’attends impatiemment les autres. J’espère qu’un livre naîtra de ce blog. Bise d’une vieille connaissance 😘
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A
Hello Catherine, Merci d'avoir laissé ce commentaire ! Cela me fait très plaisir que nous reprenions contact de cette façon. Les circonstances étaient particulières la dernière fois que nous nous sommes vus... Un livre à partir de cela, je ne sais pas, mais je suis en train de chercher à publier mon deuxième roman. C'est en bonne voie. je vais reprendre le premier, qui a été refusé par pas mal d'éditeurs, malgré des réponses encourageantes, et aussi les encouragements d'un chroniqueur littéraire de Libération. On verra. Écriture et musique m'occupent beaucoup. Nous donnons pas mal de spectacles avec la compagnie d'Hestia (mon épouse !). Si cela te dit, je t'adresse un lien vers le site de la compagnie, avec toutes les dates, sait-on jamais... : http://loup-ange.fr/site/ Je t'embrasse et espère bien qu'on va se revoir. Laurent