Rotoflex
Des noms, vraiment ? Des noms, vous voulez des noms ? Oui mais il y faut un ordre, je ne donne pas des noms comme ça. Ce n’est pas gratuit, vous pensez bien. Trop facile, réfléchissez un peu. Il ne suffit pas de demander un nom, encore faut-il savoir ce que vous voulez en faire, si ce nom est destiné à rester un nom, à rester dans les limbes, ou si au contraire vous vous intéressez à des personnes qui se dissimuleraient derrière. Car il s’en dissimule toujours, un nom derrière un autre, un être derrière les nuages, et chacun se noie dans ses propres nuages, ça finit toujours comme ça. Je ne pose aucune question, moi, je demande simplement si vous êtes sûr de ce que vous faites. Si vous n’allez pas regretter tout à l’heure. Vous voulez donc des noms. Ou un nom ? Un seul nom ? C’est à la fois plus simple et plus compliqué, un seul nom. Car avez-vous bien réfléchi à la manière de le choisir ? Vous avez l’air à peine décidé à vrai dire, tout bien considéré, vous avez l’air de ceux qui ne savent pas quoi demander, qui sont juste convaincus qu’ils doivent demander quelque chose, qui ne partiront pas tant qu’ils n’auront pas demandé quelque chose. Et peu importe s’ils repartent avec cette chose qu’ils ont demandée, ce n’est pas le plus important, et d’ailleurs serez-vous plus satisfait d’avoir obtenu ce que vous demandiez, cela précisément, au lieu de cette autre chose à laquelle vous ne vous attendiez pas, cachée derrière un nom que vous ne connaissiez pas ? Chaque nom a au fond autant de valeur que le précédent ou le suivant. Comment se fait-il que vous ne vous en rendiez pas compte ? Vous faites comme vous voulez, naturellement. Je ne suis pas là pour commenter, je suis là pour donner des noms. Ou un seul nom ? C’est à la fois plus simple et plus compliqué. C’est vous qui voyez. Mais décidez-vous, ce n’est pas gratuit. Chacun ses nuages, chacun ses masques, mais dans l’ordre, s’il vous plaît, dans l’ordre.
A partir d’une photo de Joseph O. Holmes, série Workspaces, 2007-2011.