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Analepse, le blog littéraire de Laurent Gardeux

La porte ouverte

18 Septembre 2024 , Rédigé par Analepse

 

La porte est ouverte, pour le cas où tu voudrais rentrer. Je l’ai démontée il y a des années déjà, cette porte. Je ne la supportais pas, j’ai été heureux qu’elle disparaisse au profit du seuil. C’est intéressant les seuils. On peut s’y tenir sans être ni tout à fait dehors, ni tout à fait dedans. Moi je suis quelqu’un du dedans. C’est pour cela que j’ai besoin que le dehors soit accessible, toujours, et même si je ne le fais pas, le pas nécessaire pour sortir, je sais qu’il n’y a d’autre obstacle à l’accomplir que ceux que j’y mets moi-même, depuis toutes ces années. Quelqu’un du dedans, oui, quelqu’un qui reste à l’intérieur, nous vivons le conflit de l’ordre et de l’aventure, et je suis du côté de l’ordre, même si mon ordre, depuis ton départ, est un chaos, même si mes efforts pour l’organiser sont dérisoires et s’envolent à la moindre brise, comme les notes de ma guitare. Mais surtout, tu l’auras compris, j’aurais trop peur si je sortais d’être absent quand tu reviendras, de manquer ton retour. Est-ce que tu t’installerais à ton tour pour m’attendre ? Je te trouverais en rentrant, à jouer de la guitare peut-être, à rêver, à te perdre ici comme sans doute tu te perds ailleurs. Mais au fond je sais bien que je n’y crois pas, je ne crois pas à cette inversion des rôles. Tu as toujours été quelqu’un du dehors, toi. Les espaces, le monde, la marche droit devant, les rencontres, l’aventure, les étoiles et le vent. L’air de la nuit n’a aucun scrupule à le franchir, le seuil. Il souffle de très loin, je le sais, il souffle aussi un air respiré par d’autres, et pourquoi pas par toi ? Tu vois, ton souffle t’a précédé, où que tu sois à présent quelques atomes de toi me rendent visite, et j’imagine que je dois m’en contenter pour le moment. C’est aussi pour cela que j’ai démonté la porte, il y a des années de cela. Pour que le monde pénètre le lieu où je t’attends.

Et n’oublie pas, je t’en prie, n’oublie pas : il y a ici, pour toi, un seuil, un endroit où l’on n’est ni tout à fait dehors, ni tout à fait dedans.

18 septembre 2024

D'après une photographie de 2011 de Chema Hernández

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L
J'aime beaucoup aussi ce texte où l'émotion est palpable et tellement bien exprimée. Bonne journée !
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